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Quelques principes de base pour mener
un atelier d'écriture

 

Perec : « Ecrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes. » Espèce d’espaces, ed. Galilée, p.180.

Barthes : « On écrit toujours avec de soi » (cic in Tous les mots sont adultes, de François Bon, ed. Fayard)

Bon, Tous les mots sont adultes, nouvelle édition, Fayard :
• « mettre chacun face à du déjà écrit qui permette, oralement d’en souligner la singularité, la beauté, l’accroche pour poursuivre. » (ibid. p.12)
• « Les textes les plus déchirants qu’accueille régulièrement quiconque anime un atelier d’écriture surgissent de façon imprévisible, à partir de l’exercice le plus humble, ou d’apparence la plus technique. » (p.162)
• « Le mystère d’un atelier, c’est la façon dont chacun va cheminer vers sa singularité, et c’est elle qui va conditionner le destin ou le mode de fonctionnement du texte. Le rôle de l’animateur d’atelier, c’est que chaque séance ouvre une porte sur un genre, une technique. » (p.249)
• « Un des mystères des ateliers d’écriture, à mesure que se dessine la voix de chacun, c’est le caractère totalement imprédictible de ce que sera sa forme, sa dominante. » (p.306)

Alain André, Babel heureuse : l’atelier d’écriture au service de la création littéraire, Syros Alternatives (édition épuisée, seul exemplaire disponible dans les bibliothèques municipales parisiennes : à la bibliothèque Edmond Rostand, 17ème) :
• « Pour que l’on puisse parler d’atelier d’écriture, il faut et suffit qu’un groupe produise en commun des écrits littéraires. » (p.23)
• Faire écrire place dans une étrange posture. « Les activités comme le déroulement de la séance se définissent par opposition au cours traditionnel : c’est la pratique des participants qui est centrale […]. L’animateur […] est là pour aider chacun, à son rythme et dans le respect de sa sensibilité propre, à acquérir et affirmer une maîtrise de l’écriture. Travail d’accoucheur… » (p.24) Il doit commencer par travailler sa propre écriture, et entretenir une relation vivante avec la langue écrite. (p.26) Freinet estime qu’il est nécessaire de « changer le style du travail scolaire, d’instaurer d’autres relations que l’autorité et le cours magistral, d’articuler le savoir sur le vécu des enfants, de donner aux jeunes le droit de s’exprimer et de prendre des responsabilités. » (cic. p.39) L’animateur doit être « un bon conducteur du désir d’écrire », il doit maîtriser « art de conter, prestance, voix, sens de la parole publique, qui contribuent à attiser le désir d’écrire. » (p.43)
• « Animer un atelier, c’est permettre l’écriture, puis l’avancée d’un travail, ce qui n’est possible qu’à partir d’une mise en situation de réussite minimale. » (p.97) « Mettre l’accent non sur les lacunes, mais sur les terrains de réussite ». « les maladresses et les facilités que révèle la lecture sont à la fois banalisées comme scories de premier jet, et valorisées comme suggestion d’un travail ultérieur de récriture. »
• Les « écrivants » : participants des ateliers (p.26)
• Les « ouvertures » : propositions faites en atelier ayant pour fonction de faire entrer dans la « mine » (Butor), « en désignant un filon (en suggérant un thème) et en ménageant une ou plusieurs voies d’accès. Chacun peut ainsi s’embarquer, creuser, par l’écriture, une galerie imprévue. », (sujets ou contraintes d’écriture), p.41.
• Devise : « Ecoutez-moi inattentivement. » (p.44) : Il s’agit davantage de sentir que de raisonner.
• Les premiers écrits sont « des textes-paroles », des « promesses de textes », p.55.
• Propositions de lecture par un autre écrivant, p.57 : Confier à son voisin, qui est invité au plus absolu respect. Aucune correction des maladresses ou scories d’orthographe. Puis il le relit à la lueur des questions osées par l’animateur. Tous les éléments de réponses sont notés sur une feuille à part, puis les lecteurs font part de leurs observations aux auteurs. En vue de la séance de lecture collective, écrire son texte sur affiche. (ou la projection au vidéo-projecteur).
• « La lecture collective permet également de mettre en évidence les transformations appelées par le travail de relecture individuelle qu’étayaient les notes du voisin : réorganisation plus ou moins massive, ajouts et suppressions. » (p.59) La socialisation des écrits, leur mise en circulation est capitale : « on écrit pour être lu. » (p.67) « Dans l’atelier, la socialisation a une fonction motrice. » Les ateliers de pratique thérapeutique jugent la lecture systématique nécessaire, mais cette pratique est proscrite par l’Oulipo, p.68. Attention toutefois : « La lecture exhaustive et systématique des premiers jets d’atelier a une dernière conséquence : elle sature la disponibilité, la capacité d’écoute et la lecture d’un groupe. » (p.79)
• Par l’oralisation « la littérature apparaît d’emblée comme un acte personnel : l’énonciation, par son auteur, d’une écriture intransitive, qui l’engage dans ses relations avec le monde et avec autrui. » (p.70) La lecture silencieuse est une pratique introduite par Ambroise, le maître de Saint Augustin, « Auparavant, on oralisait, même seul, pour entendre le texte. […] L’écrit a longtemps été lié à la voix, à la musique, au corps et au visage de l’interprète ou du conteur. » (cf. le roman médiéval). Dans l’atelier, l’oralisation « assure la constitution de l’identité du groupe. » (p.72), le « passage par le corps et par la voix amplifie le travail du style. » « L’émotion suscitée par la lecture, lorsqu’elle existe, appelle en effet le silence, non le commentaire critique. » (p.75)
• Postulat de départ : « L’auteur est le propriétaire symbolique de l’écrit, considéré comme son texte. » Par conséquent, tout commentaire critique est vécu comme une pierre jetée dans son jardin. Par conséquent, avant toute lecture, il convient de prendre des précautions, et d’établir « un contrat de lecture, qui doit être particulièrement clair lorsqu’il s’agit d’oralisation en grand groupe » (p.86) : 1°) Chacun est invité à lire, mais il n’y a aucune obligation. 2°) Réciprocité entre les membres du groupe. 3°) Toute forme de jugement est proscrite, l’évaluation critique est disqualifiée.
• « L’écoute de l’animateur est une écriture » : il prend des notes, pour retenir tout « ce qui fait pour lui événement au cours de l’écoute » (p.91).
• « L’évaluation n’est pas absente : il faut savoir si le pari a été tenu, dans quelle mesure les textes obtenus ont acquis une cohérence interne, une unité esthétique, repérables par les lecteurs. » (p.109)
• L’origine de l’écriture : Butor, D’où ça vous vient ? cic p.31 ; Poe, Genèse d’un poème, cic. p.35.
• Proust s’est cru pendant 35 ans incapable d’écrire. (p.53-54)
• « L’interne ventriloque » : souvenir de l’époque où Alain André était interne au lycée Guez de Balzac, à Angoulême, p.120-121. Expérience d’enfance liée à l’écriture.
• Tout travail ou retravail de l’écriture opère l’invention du souvenir. « La fidélité au donné de la mémoire s’effaçait en somme devant sa transfiguration par l’écriture, qui l’utilisait comme une matière initiale. » (p.124)
• Mythe de la tour de Babel, p.126-127. « Tous [les écrivants de diverses origines, et même les Français de souche] ont en somme à réconcilier Babel à l’intérieur d’eux-mêmes, pour faire de nouveau du mélange des langages, travaillant côte à côte, une jouissance. […] il faut travailler, avec les contraintes que la langue nous impose », p.127.
• La nouvelle L’Aleph, de Borges : parabole de la quête de la formule que mène tout écrivain au cours de la gestation de l’œuvre, réduction de la Divine comédie, p.166 & sqq.
• La présence de la littérature au sein de l’atelier est essentielle, car elle constitue « l’héritage historique à partir duquel nous continuons d’écrire » (p.207) « La littérature en effet assure la fonction de mémoire collective, qui excède largement, chacun en conviendra, celle du petit groupe de l’atelier. Elle est disponible, susceptible d’être convoquée en fonction de mes besoins. Elle n’exerce par elle-même nul terrorisme, n’impose pas d’être lue. » (p.211) Gide expliquait : « Quand ça ne vient pas, je marche de long en large dans la chambre, puis, par impatience un peu, je saisis presque au hasard un livre de ma bibliothèque […] Ce « hasard » me ferait croire au diable ou à la providence, car je tombe à pic presque à coup sûr, sur la page, sur la phrase, ou les mots, dont j’ai précisément besoin pour rebondir. » (cic. p.215)

L’animateur d’atelier doit-il écrire en même temps que les participants ?
P. Frenkiel, 90 jeux d’écriture : Faire écrire un groupe, ed. Chronique sociale, p.19 : Oui : il a écrit 95% de ses textes et poèmes à partir des jeux qu’il propose, pendant les ateliers qu’il anime au CICLOP.
Bon, p.299 : Non : « je considère que mes pics et mobilisation d’énergie ou concentration, pour exposer l’exercice, ou ensuite pour accueillir les textes et les mettre en travail, ne sont pas les mêmes temps de concentration que les participants. Et lorsqu’ils écrivent, ce n’est pas le travail qui manque à l’enseignement ou au formateur et à l’animateur : rare qu’on ne soit pas sollicité. »